L'histoire d'une âme au Théatre

Thérèse, parfaitement

 

Avec Thérèse ou l'histoire d'une âme, le théâtre des cinq diamants nous livre un véritable petit trésor. En toute simplicité et humilité, grâce à un jeu qui nous rend réellement présente une Thérèse fraîche et enthousiaste.

Ce sont des classes entières, des paroisses même qu'il faut emmener voir Thérèse (1), une pièce qui a plus touché l'âme de certains que l'exposition des reliques de la sainte. Pour créer le décor sobre et pur, tout en nuances de blanc, Georges Faget Berard n'a eu recours qu'à des objets semblables à ceux du Carmel de Lisieux. "Mais pour l'horloge des Buissonnets, qui était sous une cloche de verre, je n'en avais pas", confesse la metteur en scène qui, habilement, a placé cette partie du décor le long du côté gauche de la salle, ce qui a pour effet de projeter le public au cur de la scène (et d'où il résulte que les meilleures places sont à partir du troisième rang sur la droite). L'ambiance est détendue et bon enfant. Mais ces gens se doutent-ils, alors qu'un fond musical doux et classique berce leur attente, qu'ils lutteront bientôt contre les larmes ?

La musique cesse et une jeune fille hors d'elle surgit de la salle et se précipite au pied de l'autel. La pièce est pour elle. Plusieurs épisodes de la jeunesse de Thérèse lui sont montrés ; qui l'amènent à saisir combien le message de la sainte peut la guider. Puis elle disparaît, laissant Thérèse et ses surs à leur public. Qui est littéralement saisi, auquel il ne reste plus qu'à faire son examen de conscience et à pleurer d'émotion, de repentir et de joie devant un texte et un jeu si extraordinaires, un texte qui exprime beaucoup mieux que nous ne saurions le faire tout le bien qui est au fond de notre cur, un jeu qui nous rend réellement présente une Thérèse fraîche et enthousiaste. Une mise en scène aussi qui tient cette gageure de mettre en évidence le personnage de Thérèse sans en faire un premier rôle autour duquel graviteraient des faire-valoir, avec des comédiennes qui mettent chacune tout leur talent à faire ressortir les qualités de leurs partenaires.

Paradoxalement, il est possible de relever quelques défauts à cette pièce. Ce sont les tableaux du début, lorsque des personnages fantomatiques éclairent pour la jeune fille celui de Thérèse, qui se succèdent tellement vite et avec des tenues si variées qu'on croirait assister à un défilé de costumes dans un moulin ; ou encore la musique d'accompagnement parfois un peu forte. Mais cela n'entame en rien l'émotion ou l'exactitude du jeu. Eh, oui, même avec ses imperfections, ce spectacle est réellement formidable.

Dominique Coulomb, adaptatrice, est partie des "manuscrits autobiographiques" pour reconstituer une vie historiquement et théâtralement la plus véridique possible. Pour trouver la vérité des personnages aussi : "sur Thérèse et ses surs, il y a relativement beaucoup de renseignements, sauf sur celle qui deviendra Mère Agnès et sur les relations entres les religieuses du Carmel". Elle a su mêler les différents genres présents dans cette somme - correspondance, poésie, récit - entre eux et avec des additions contemporaines joués par une Géraldine Asselin qui incarne de façon belle et crédible les réactions d'une jeune fille contemporaine découvrant la sainte du fond de l'incertitude spirituelle qu'entretient notre époque.

Isabelle Gaumet incarne une Céline tendre, calme, équilibrée, écoutant sans se lasser cette enfant instable et hypersensible tandis que Dominique Coulomb donne chair à l'énigmatique Mère Agnès. Magalie Houth interprète Thérèse avec fraîcheur et enthousiasme, sans l'once d'une mièvrerie. Elle parvient à faire passer des paroles aussi dures que "si le Bon Dieu nous laisse ainsi souffrir, c'est qu'Il doit bien nous aimer, et donc il nous faut aimer la souffrance" et sait suggérer combien la vie de la sainte fut autant de souffrance - justement - que de solitude morale. Elle n'a que vingt-quatre ans...

Mais c'est collectivement que toutes, metteur en scène en tête, se sont imprégnées du climat d'un carmel en allant à ceux de Lisieux et Chartres, des endroits "frappant par leur silence absolu, et c'était très important pour nous comédiennes de sentir cela", de même qu'elles ont visité la maison des Buissonnets.

Est-ce un hasard si toutes disent "j'adore mon personnage", ou "mon personnage est formidable". Ou le secret de ce bonheur partagé entre les comédiennes et nous ne tiendrait-il pas dans cette confidence faite par l'une d'elles : "c'est petit à petit, humblement et par touches que je réussis à entrer dans ce personnage et à en rendre compte" ? En l'imitant, en quelque sorte...

 

Pierre FRANÇOIS

Article paru dans France Catholique n°2588 du 14 mars 1997

 

(1) Thérèse ou l'histoire d'une âme, avec Géraldine Asselin, Dominique Coulomb, Isabelle Gaumet, Magalie Houth. Mise en scène de Catherine Brieux. Au théâtre Les cinq-diamants, 10 rue des cinq diamants, 75013 Paris. Jusqu'au 19 octobre 97. Prix : 90F/50F. Réservation : Fnac, Kiosques théâtre Spectatel, minitel 36 15 Sortez - CDT et par téléphone au 01 45 80 51 31.

 Retour Actualités

 Retour Sommaire