A propos de Thérèse,

par Mgr Pierre d'Ornellas

Pierre d'Ornellas, 44 ans est le moins connu des deux évêques auxiliaires récemment nommés à Paris (l'autre étant Jean-Michel di Falco). L'entretien qu'il nous accorde ici nous permet de mieux cerner sa personnalité et ses ambitions pour l'Eglise.

(...)

Vous venez de publier un Cahier de l'Ecole cathédrale sur Thérèse. Que souhaitiez-vous dire personnellement sur la petite sainte?

Cette jeune femme s'adresse à tout le monde, parce qu'elle a sans cesse cherché la Vérité de la vie en refusant tout compromis. Dans l'Ecriture, elle finit par découvrir comment la vérité de l'homme consiste à se situer au cur de l'Alliance. Cette Alliance que Dieu scelle avec les hommes s'appelle miséricorde. Dieu en a l'initiative gratuite. Etre pris par elle invite l'homme à l'espérance. Non pas l'espérance d'un besoin qui, une fois comblé, s'arrêterait en même temps que l'espérance, mais d'une confiance inaltérable à cause de Dieu. Enfin, Thérèse a connu l'épreuve de la foi, participant ainsi à la Rédemption. Sa démarche est à la fois l'abandon absolu à Dieu parce qu'Il est Père et en même temps la réalisation parfaite de la phrase de l'Evangile : "Il n'y a que les violents qui entrent dans le royaume des cieux". Si sainte Thérèse emploie le mot "petit", c'est parce qu'elle l'a trouvé dans l'Ecriture qui a été sa lumière.

Elle comprend de façon géniale, que la petitesse est la situation de l'homme par rapport à Dieu, que c'est la relation entre la créature et le Créateur. C'est l'homme enfin libre, d'une autonomie souveraine, parce que totalement dépendant de Dieu. Il y a eu trois étapes dans l'histoire de Thérèse après sa mort : celle des miracles physiques, celle de miracles spirituels (les conversions), qui organisent le théologal, la vie spirituelle, en mettant debout dans l'Espérance - la Foi et la Charité. Maintenant s'ouvre une troisième étape, qui révèle Thérèse comme une authentique théologienne. Qu'elle soit docteur de l'Eglise la situe dans la ligne du concile Vatican II qui a précisément réfléchi sur cette question de la relation entre l'homme et Dieu. J'entends des personnages éminents qui restent sceptiques devant le doctorat de Thérèse. Ils n'ont pas compris pourquoi Pie XI disait que Thérèse avait une "âme d'acier". Il est vrai que son vocabulaire ne donne pas prise aux arguments rationnels. Du coup, tous les discours rationnels sur la théologie la rejettent. Elle ne peut pas être disséquée. Elle le sera peut-être, mais elle résistera, comme l'Evangile résiste.

 

Thérèse est donc théologienne.Mais qu'est-ce qu'un théologien?

Permettez-moi une réponse abrupte qui ne satisfera personne : ce sont ceux qui vivent selon la lumière de Dieu et restent inflexibles, fidèles, même quand ils ont des faiblesses, à l'espérance du Salut. Une femme au foyer comme celui qui travaille peut être théologien. C'est ce qui se passe à l'Ecole cathédrale : il y a des conversions qui se font par l'étude de l'Ecriture et de la Tradition. Des étudiants deviennent peu à peu théologiens : ce qui inspire leur vie et leur réflexion n'est plus une opinion ni une habitude ou une éducation chrétienne, c'est la Parole de Dieu. Ils entrent dans ce que saint Paul appelle "l'obéissance de la foi". Il faudrait, au fond, distinguer le théologien du professeur de théologie.

 

A partir de l'enseignement de Thérèse, quel est le témoignage de l'Eglise pour nos contemporains?

Le grand témoignage d'aujourd'hui, c'est le témoignage de l'Amour. A l'athéisme, qu'il soit militant ou matérialiste, ne répond pas simplement l'affirmation que Dieu existe, mais l'attestation que l'Amour est possible. Or tout Amour authentique vient de Dieu. Ceux qui ne croient pas et qui ne restent pas enfermés dans leur négation, ne rejettent pas Dieu, mais, au fond recherchent l'Amour. Il faut le leur manifester. L'Amour, c'est la réceptivité limpide de l'autre.Le cur est tellement libre de lui-même qu'il est capable d'accueillir l'autre en lui, tel qu'il est, sans être troublé. Quand l'autre est chez moi, il est chez lui. Là naît la vraie compassion. C'est ce que vit Thérèse : la pleine conscience d'être "néant", avec cette assurance : "Je serai l'amour ".

(...)

Sainte Thérèse disait : "Quand j'assumerais les plus hautes responsabilités, je resterais quand même petite". Est-ce une phrase que vous reprenez à votre compte?

Je l'espère, si vous entendez le mot "petit" en son sens biblique. "Petit" est synonyme d'homme de Dieu. Plus on entre dans cette expérience, plus on s'engage sur le chemin de la "petitesse" et de la vraie joie, parce qu'on est vraiment libre. Petit, c'est aussi obéir à la vérité. Est-ce que je suis petit? Je ne sais pas. Est-ce que je le deviendrai? J'espère, avec la grâce de Dieu.

 

Propos recueillis par

Bertrand GUILLERM

pour France Catholique

 

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