THERESE DE LISIEUX
Docteur de l'Eglise

Par le Père Bernard BRO

 

On aura écrit sur elle plus de quatre mille sept cents livres. Et ce n'est pas fini. Elle est la manne des éditeurs en cette année de son Centenaire. De Beyrouth à Oslo, de Tokyo à Gardhaïa, ce n'est pas Catherine Deneuve ou Sophie Marceau dont on retrouve la statue, mais Thérèse de Lisieux. Elle demeure depuis des décennies la Française la plus connue dans le monde.

Un lecteur protestait de ne pas comprendre les poésies de Stéphane Mallarmé l'un des fondateurs de la littérature moderne, mort un an après Thérèse il y aura cent ans. Mallarmé rétorque : " J'ai mis quinze ans à faire naître ce poème et ce monsieur voudrait le comprendre en deux minutes. " Au même moment, Thérèse de Lisieux, par son agonie et sa mort, signait son "message". Or, miracle, Thérèse a tout de suite été comprise, non pas d'abord par les intellectuels, mais par les princes (les six derniers papes) et par le peuple. Il aura fallu attendre 1953 pour que les universitaires acceptent qu'elle puisse faire l'objet d'une thèse alors que ses écrits étaient avec ceux de l'auteur du Petit Prince les plus répandus en langue française dans le monde, à des millions d'exemplaires, traduits très tôt en russe, chinois, swahili, turc, etc. et plus de soixante langues dont six traductions différentes en anglais. Cela n'empêche que dans une chronique de La Croix, le 7 décembre dernier encore, l'historien Pierre Pierrard demandait "Pourquoi veut-on absolument faire de Thérèse un docteur de l'Eglise?" témoignant ainsi des lenteurs ou difficultés à saisir l'essentiel du message de Lisieux même chez les historiens spécialistes du XIXe. C'est vrai que, comme pour un poème de Mallarmé, il y faut plus de deux minutes. Et cependant c'est si proche.

Plusieurs années auront été nécessaires pour que Rome se décide à reconnaître la valeur d'exception, "doctorale", des deux maîtres de Thérèse de Lisieux : Jean de la Croix et Thérèse d'Avila. Un mois et demi auront suffi pour que les spécialistes établissent la "positio" du dossier pour le doctorat de Thérèse de Lisieux afin qu'il soit approuvé par les cardinaux et le pape.

Voici donc qu'une jeune fille entrée au carmel à quinze ans et morte à vingt-quatre ans fait désormais partie avec deux autres français, saint Bernard de Clairvaux et saint François de Sales, du groupe de ceux qui ont droit au titre prestigieux de "Docteur de l'Eglise". Trente-troisième personnage de cette illustre corporation où l'on rencontre les génies qui ont enfanté non seulement la pensée chrétienne, mais, on peut le dire, la réflexion la plus aigüe de l'héritage philosophique occidental : les Augustin, Cyrille, Grégoire, Hilaire, Anselme, Bonaventure ou Thomas d'Aquin. Est-ce parce que contrairement à ce qu'on a pu laisser croire, Thérèse était bien une surdouée ? A dix-sept ans, Thérèse avait lu et assimilé toute l'oeuvre de saint Jean de la Croix, dont la pensée était issue des plus grands théologiens, (ce fut la thèse universitaire de Jean Paul II). La capacité d'analyse et de synthèse de Thérèse en rendaient coite telle prieure de carmel en visite à Lisieux aussi bien que sa maîtresse des novices ou que ses compagnes. Ce doctorat serait-il l'expression d'un remords de l'Eglise d'être trop mysogine et de vouloir la promotion des jeunes ? Il faut peut-être chercher plus loin.

 

Qu'est-ce donc qu'un Docteur de l'Eglise ? Et pourquoi Thérèse ? A son égard tous les clichés ont été usés depuis des décennies : l'insignifiance de sa vie de petite bourgeoise bien entourée (elle n'aura jamais fait la vaisselle ni fait son lit avant d'entrer au carmel) ; une adolescence plus ou moins névrosée ; un style soi-disant mièvre et romantique (alors qu'il est d'une force égale aux plus grands) ; un entourage qui l'aurait exaltée ; des écrits qui auraient été quelque peu trafiqués ; enfin qu'est-ce qu'une carmélite inconnue d'un monastère inconnu, morte de tuberculose comme beaucoup de contemporaines de La Dame aux camélias, peut avoir à dire au monde moderne ? Est-ce suffisant d'avoir été orpheline de bonne heure, d'être lucide sur ses défauts d'amour-propre et d'hyper-sensibilité, d'avoir obtenu par la prière la conversion d'un condamné à mort alors même qu'il était sur l'échafaud, (celui qu'elle appellera son "premier enfant", le meurtrier Pranzini), d'avoir fait des poésies, "si décevantes" au goût de certains théologiens, d'avoir été pieuse et obéissante à une Supérieure un peu fantasque et d'offrir son agonie en écrivant ses souvenirs de petite fille, pour être déclarée Docteur de l'Eglise ? Elle-même ajouterait en riant : &laqno; Et puis, un docteur qui fait des fautes d'orthographe ! » Certain expert au Concile Vatican II la trouvait "irritante, ennuyeuse ou écoeurante", alors qu'à l'inverse, le cardinal Congar avouait : " Thérèse de Lisieux et Charles de Foucauld, ces deux phares que la main de Dieu a allumés au seuil du siècle atomique. "

Les clichés sont tenaces. Ils témoignent seulement de ce que Thérèse est pour une grande part de ceux qui en parlent, encore tellement méconnue. Il suffit de rappeler quatre crises de son époque. Un après-guerre, 1870, neuf soldats allemands habitèrent dans la maison familiale d'Alençon. Un après-concile, et cela n'est jamais facile. Puis elle assiste à toutes les péripéties de la première vague des expulsions religieuses. Au carmel, elle aura sous sa paillasse une boîte - la "caisse de persécution" - contenant des habits civils au cas où il faudrait partir précipitamment. C'est ce pourquoi on ne lui coupera pas les cheveux à sa prise d'habit. Deux cent soixante-et-un couvents avaient été fermés en France et les Jésuites supprimés l'année où elle entrait comme élève chez les Bénédictines de Lisieux. Enfin c'est le plein moment des tensions entre la science tentée de tout expliquer et la foi.

Il en va de Thérèse comme de ses maîtres. Dieu ne répond pas là où on l'attend. Cinquante ans avant que le philosophe Descartes ne poursuive ses explorations sur les arcanes de la réflexion humaine et les exigences du doute pour plier la philosophie aux nécessités des modèles mathématiques, Thérèse d'Avila et Jean de la Croix avaient été beaucoup plus loin dans Les Châteaux de l'âme et La Nuit obscure. Cinquante ans avant l'angoisse existentielle de Sartre, la révolte de Camus, ou les doutes anxieux de Paul Valéry, Thérèse de Lisieux était allée jusqu'au bout des raisons de désespérer. Cent ans après sa mort, elle est plus actuelle que jamais. Fait unique dans l'histoire, Thérèse se livre par obéissance à une double anamnèse, une double relecture de sa vie, d'abord devant le Christ, puis devant la mort, lorsqu'à partir du 9 juin 1897, elle se sait irrémédiablement perdue, cela au moment même où le Docteur Freud découvre les principales intuitions de la psychanalyse.

 

Pour qu'il y ait Docteur de l'Eglise, il faut trois conditions : d'abord que celui dont on a déclaré la sainteté (bien évidemment) ait laissé des écrits, (pour Thérèse : 1114 pages). Deuxièmement, il faut non seulement que ces écrits soient parfaitement orthodoxes, mais qu'ils rayonnent d'une lumière exceptionnelle, (la formule latine précise "fulgor doctrinae"), c'est-à-dire que le message de celui qui est en cause éclate d'une certaine fulgurance. Enfin, la troisième condition, extrinsèque, est l'approbation solennelle réservée au pape ou au concile. Après cinquante-deux ans de fréquentation assidue des textes de Thérèse et des années de travail pour l'édition de ses oeuvres, je devrais être lassé, fatigué, usé par sa littérature, or on me permettra cette confidence personnelle, non seulement je ne suis pas lassé, mais fasciné, émerveillé, impressionné par la jeunesse de ses intuitions, la force de son style (eh oui), la nouveauté et le génie de ses trouvailles. Je ne connais que Pascal qui lui soit comparable dans l'histoire religieuse française. Elle est pour moi la principale et royale réponse de la Providence à la formidable question posée par Luther, (reprise à sa manière par Nietzsche et tous les grands révoltés de l'ère moderne) : en face de sa liberté, comment l'homme n'est-il pas désespéré ? Thérèse est allée jusqu'au bout. Certes, elle n'a pas écrit de traité didactique de théologie. Mais il ne faut pas s'y tromper, elle est une admirable théologienne. Telle poésie sur l'eucharistie, la Vierge Marie ou le sens de la souffrance sont des récapitulatifs parfaits de lumière "chrétienne". Son faire-part de noces, annonçant sa profession, comme son Acte d'offrande sont des trésors de prière au coeur de l'intimité du Dieu-Trinité. Telle lettre pour redonner courage à l'une de ses soeurs dont on avait retardé la profession est un chef-d'oeuvre sur le Ciel et les fins dernières. Au moment où la théologie d'après le concile Vatican II traverse une crise évidente de crispation et déssèchement rationnaliste, Thérèse recentre tout en positif. Au lieu de se laisser piéger par les maîtres du soupçon et les herméneutiques et interprétations réductrices, elle propose une attitude d'émerveillement qui ouvre les secrets de la vérité de Dieu "cachés aux sages et aux prudents" comme dit l'évangile. Elle y revient : "Je n'ai jamais cherché que la Vérité. " Ce n'est pas si banal dans la bouche d'une Normande. Elle apporte un réalisme, une aide concrète, pratique, pour empêcher qu'on s'arrête en route dans la fascination du mystère. On peut sans se tromper situer son doctorat entre les maîtres de morale, tel Alphonse de Liguori, et les champions de la réflexion, tel Thomas d'Aquin.

" Enfin j'avais trouvé le repos. Je compris que l'Amour renfermait toutes les vocations, que l'Amour était tout, qu'il embrassait tous les temps et tous les lieux. Alors je me suis écriée : Oh Jésus mon amour, ma vocation enfin je l'ai trouvée, ma vocation c'est l'amour. Ainsi mon rêve sera réalisé ! " Thérèse a le génie d'une amoureuse, mais pas de n'importe quel amour. On se console en parlant souvent d'amour chez les chrétiens. Thérèse en parle, mais elle renverse les données de l'équation. Qu'on ne s'y méprenne pas. Cette amoureuse n'en reste pas à la présentation habituelle aux téléfilms ou journaux du coeur. Il s'agit bien de l'amour, mais pas de celui qu'on nous présente dans les magazines. C'est ce pourquoi elle peut, par exemple, permettre de comprendre en même temps la fraternité qui unit Lady Diana et Mère Teresa et leur totale différence. Thérèse de Lisieux a compris qu'à l'intérieur de sa passion et du feu qui la dévore, et qu'au-delà de ses états d'âme, il y avait une certaine "action de l'action" de celui qu'on aime et que c'était la joie de le découvrir mendiant de notre liberté. C'est ce qui la conduit à accepter de se reconnaître incapable de prouesses. Sa grâce est de faire sans effort ce qui demande de l'effort parce qu'elle apprend à s'appuyer sur la confiance de l'autre. Encore une fois elle découvre que le secret de tout est d'oser demander à celui qu'on aime de disposer de notre liberté. Là où habituellement les mystiques risquent de s'évader dans la transcendance et de préférer le ciel à la terre, pour elle c'est l'inverse. Chaque petite chose a une valeur infinie eu égard à la majesté de celui qui lui dit "c'est toi qui comptes".

 

Le doctorat de Thérèse est comme l'éclatement et la manifestation d'une Pentecôte qui ouvre une nouvelle étape dans la compréhension de son message et de sa doctrine, ne serait-ce que pour les catéchistes français. Le centenaire de sa naissance avait, grâce à l'admirable travail de soeur Cécile, carmélite de Lisieux, et de Mgr Guy Gaucher, permis de clore les problèmes historiques sur Thérèse et ses écrits.

La déclaration du Doctorat inaugure vraiment une nouvelle période. Avant la Pentecôte, saint Pierre n'était qu'un apôtre qui avait trahi et qui avait été pardonné ; la Samaritaine une femme perdue qui avait retrouvé goût à la vie ; les disciples d'Emmaüs, deux paumés de l'espérance qui repartaient le coeur brûlant ; le paralytique, un handicapé qui avait pu prendre son grabat pour rentrer chez lui. Après la Pentecôte, Pierre, le paralytique, l'aveugle, la Samaritaine, les disciples, : c'est nous, et cela change tout. Ainsi du doctorat de Thérèse. Elle permet à tous de s'asseoir à la table des plus grands génies qui ont été ses contemporains et dont elle est l'égale : Rimbaud, Dostoïevski, Freud, Marx, Van Gogh, Wagner, Nietzsche, Claudel. Les philosophes Bergson et Guitton, les prophètes Bernanos et Emmanuel Mounier, les saints Maximilien Kolbe et Edith Stein, et Mère Teresa et Marthe Robin l'avaient bien compris pour qui Thérèse a joué un rôle décisif. Comme eux, elle a su ce que c'était que le fer porté au rouge, celui des deux abimes que rencontre tout homme : sa liberté et un interlocuteur qui s'appellerait Dieu.

 

Résumons en quelques propositions, parmi bien d'autres, le sens du Doctorat de Thérèse :
1. Dieu n'est pas seulement amour, mais échange entre personnes, circulation de vie, partage entre les trois auquel nous sommes conviés. Et c'est dès maintenant, la source et le but de toute la vie humaine, qu'on soit chrétien ou non. Thérèse rejoint ici ce qui est "l'essentiel de l'essentiel" pour tous les grands docteurs de l'Eglise, ses prédécesseurs :" Dieu s'est fait homme pour que l'homme devienne Dieu ".Certes en la déclarant docteur, l'Eglise reconnaît le rôle fondamental de l'intuition féminine au coeur de la théologie et du catéchisme, spécialement quand il y va de l'amour, mais il s'agit de bien plus que cela. Thérèse conduit le catéchisme à retrouver la vérité première de tout l'évangile : Dieu donne Dieu aux hommes, et il le donne deux fois, par son Fils et par son Esprit. Elle est vraiment docteur de la déification, comprenant que nous sommes tous inquiets et inquiétants tant qu'on n'a pas accepté de se recevoir d'un Autre dont la "société", la "participation" n'est qu'Amour gratuit et éternel jaillissement. De là, s'ensuit pour elle tout le reste.

2. Par la venue du Christ, Dieu s'est engagé en personne et a lié son destin au nôtre comme il l'a lié à celui de son Epouse, l'Eglise. Pour Thérèse, le temps n'est plus seulement "une illusion vraie". Il est l'offertoire que Dieu, dans la nouveauté radicale de l'Incarnation, se fait à lui-même grâce au prix infini de la liberté de l'homme.

3. La "morale" chrétienne n'invite pas seulement à suivre l'évangile, mais à partager les moeurs divines du Christ dans l'unité d'une vie contemplative et missionnaire où la grâce n'est pas seulement un "horizon de l'homme", mais la participation à la vie divine elle-même telle que le Verbe de Dieu l'a inaugurée sur terre.

4. La solidarité humaine s'appelle communion des saints et prend sa source, au-delà des béatitudes, dans le coeur de Dieu. C'est pourquoi elle peut être planétaire et que Thérèse a pu être déclarée Patronne des missions, sans même quitter son carmel et qu'une Mère Teresa en aura fait son modèle.

5. Les "oeuvres" de l'homme sont forcément limitées. Luther l'a bien vu. Thérèse va jusqu'au bout de l'intuition. Nos actions ne peuvent évidemment pas rendre à Dieu ce qu'il faudrait. Mais Dieu s'est présenté à Thérèse comme un mendiant capable de transfigurer en or divin, grâce à notre confiance et à notre abandon, le moindre de nos actes. Thérèse marque la fin du stoïcisme, du puritanisme, du jansénisme et du pélagianisme qui avaient empêché les petits et les exclus de croire à l'évangile.

6. C'est au moment même où l'on a épuisé toutes raisons d'espérer que chacun de nous reçoit l'invitation la plus proche à entrer dans la voie de Thérèse, "petite", mais divine, de la confiance qui sauve tout." Envahie des plus épaisses ténèbres, la pensée du Ciel si douce pour moi, n'est plus qu'un sujet de combat et de tourment. Jamais je n'aurais cru qu'il était possible de tant souffrir. Réjouis-toi de la mort qui te donnera non ce que tu espères mais une nuit plus profonde encore, la nuit du néant. Je crains d'en avoir trop dit. Il ne me reste plus que l'amour. " La leçon de son épreuve de la foi, vécue par Thérèse à la limite de l'imaginable (deux fois elle sera tentée par le suicide), pendant ses dix-huit mois d'agonie - épreuve qu'il faudrait mieux appeler "épreuve de l'espérance", car elle n'a pas douté de Dieu - prend toute sa force, mondiale, en face de l'actuelle "crise du sens" qui enserre la mentalité contemporaine. En proposant constamment une attitude de l'émerveillement, Thérèse prend le contre-pied de toutes les attitudes (et herméneutiques) du soupçon.

7. Pour Thérèse, il ne suffit pas de proclamer que le Dieu de Jésus est "amour" ou "tendresse", (il est évident que tout créateur aime ce qu'il fait). Le Dieu de Jésus est miséricorde, c'est-à-dire inlassable créateur et recréateur des raisons d'aimer et jaloux qu'on ne se trompe pas sur son bien propre. La compassion ou plutôt la miséricorde n'est pas seulement un de ses qualificatifs, c'est son être même. Seul l'Amour n'a pas permis à Dieu de demeurer seul. Thérèse rappelle non seulement la paternité divine, ce que feraient volontiers toute religion, mais la force maternelle de Dieu pour qui chaque enfant a le visage du Fils Unique, Jésus. Thérèse montre dans quelle direction les chrétiens peuvent chercher à se comprendre avec les autres religions : hindous, bouddhistes ou musulmans. C'est en approfondissant la miséricorde comme structure intime de Dieu, si l'on peut dire, et règle suprême de la vie humaine que les croyants peuvent trouver le plus profond de leur héritage religieux commun. Ici Thérèse est maître et Docteur du seul oecuménisme possible. L'ultime volonté qui domine Dieu est bien celle de l'amour, mais d'un amour qui poursuit celui qu'il aime jusqu'au plus profond de toute détresse. Pour Thérèse, Dieu n'en aura jamais fini de montrer à chacun qu'Il tient encore plus que l'homme à la dignité divine qu'Il lui a partagée : être le recréateur de sa propre existence, quelles que soient les angoisses, voire les déchéances de la faiblesse humaine.

" Mystique, comique, tout lui va... elle saura vous faire pleurer de dévotion et vous faire pâmer de rire en nos récréations. " Tel était le portrait que faisait sa mère sous-prieure lorsque Thérèse avait vingt ans. Thérèse aurait bien ri l'année dernière à une émission de télévision, littéraire et féministe, lorsque le meneur de jeu demandait à Madame le maire de Lisieux, ancien ministre, si Thérèse n'était quand même pas une "hystérique". Madame Y. R. répondit : " Je ne dirais pas cela, mais je dirais bien "exaltée". Thérèse aurait ri. Claudel peu avant de mourir avait prédit la litanie des ouvrages qui risquaient d'entourer sa mémoire : "Claudel et la musique, Claudel et la Chine, Claudel et le Japon, Claudel et le Quai d'Orsay" et il ajoutait "Claudel et le camembert, etc." Il en va de même de Thérèse. Entendons son rire. Quel courant d'air frais apporte-t-elle ! semblable à celui des JMJ, celui d'un sourire, d'un humour, d'une patience qui ne se sont jamais démentis jusqu'aux affres de son interminable agonie.

 

Thérèse fait partout oeuvre d'introduction à la "pratique" de la théologie. Sa vie et sa doctrine obligent aux trois tâches esssentielles de tout catéchisme et de tout exposé du mystère chrétien : - la purification de nos idées pour qu'elles ne diminuent pas Dieu ; la manifestation de la cohérence et des mystères entre eux ; - enfin la preuve de la valeur nourricière et la possibilité d'un langage universel et "catholique" de la foi.

 

A tous ceux qui, après Malraux, avec Comte-Sponville, Luc Ferry, Jean Daniel et tant d'autres, redoutent le "fanatisme" religieux et avouent cependant qu'ils ne peuvent pas se passer d'un certain besoin de "sacré" - ne serait-ce que celui de la fraternité - Thérèse de Lisieux offre sa voie, beaucoup plus facile, mais beaucoup plus redoutable. C'est celle de l'amour d'un Dieu qui s'est fait mendiant de notre liberté.

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