Hymne acathiste à la Mère de Dieu
(version chantée aux Foyers de Charité)

 

PRESENTATION:


LE TEXTE

L'hymne acathiste est un poème acrostiche alphabétique, chacune des 24 strophes commençant par l'une des lettres de l'alphabet grec.

Les deux premières stances constituent une méditation des Evangiles de l'Enfance, depuis le récit de l'Annonciation jusqu'à la rencontre avec Siméon. Les deux dernières stances déploient le mystère de la maternité de Marie, Vierge et Mère.

L'attribution du poème à un auteur défini a nourri une ample controverse toujours ouverte. Certains ont cru le trouver en Romanos le Mélode (+ 560), d'autres le situent même au VlIlème siècle. Il semble en tout état de cause que le texte soit lié historiquement au siège de Constantinople en 626. Georges de Pisidie rapporte dans son Bellum Avaricurn qu'au cours de ces événements, le patriarche Sergius organisa la défense et consacra la ville à la mère de Dieu. Constantinople fut délivrée, " c'est pourquoi nous chantons à la Mère de Dieu victorieuse un chant d'action de grâces ". S'agissait-il de l'hymne acathiste ? La chose est incertaine mais la tradition mentionne trés vite la célébration annuelle de l'Acathiste chaque jour anniversaire de la victoire, à savoir le 8 août. Au cours du VlIlème siècle, la célébration fut transférée au 25 mars, fête de l'Annonciation, puis au samedi de la 5ème semaine de Carême (IXème siècle). Plus tard, I'usage prévalut de répartir les différentes stances sur les quatre premiers vendredi de Carême.

"Contrairement aux autres hymnes que les grecs chantent assis et appellent *kathismata, celle-ci est appelée *akathistos parce que le soliste, le chur et l'assemblée la chantent debout, vraisemblablement par respect pour le mystère de l'Incarnation qu'elle médite (G. MEERSSEMAN, Der Hymnos Akathistos in Abendland, Fribourg, 1960).

 

LA TRADUCTION

La présente traduction est le fruit d'un travail de groupe. Elle n'a pas de visée archéologique mais les auteurs ont eu le désir de rendre le texte à la Communauté chrétienne en le restituant de manière à ce qu'il puisse être compris dans la langue et la culture contemporaine de l'Occident qu'il puisse également soutenir et nourrir la foi des croyants aujourd'hui. Il ne s'agit donc pas d'une traduction littérale (la rime et l'acrostiche ont été abandonnés), mais chaque fois que cela a été possible, les expressions bibliques (traduction de la TOB) ont été préférées aux images rhétoriques et la construction du texte en rythme binaire conservée.

 

LA REALISATION MUSICALE

Selon les canons de I'Eglise grecque, la réalisation musicale est purement vocale. Elle met en uvre une polyphonie traditionnelle byzantine du XVllème siècle. Pour replacer l'Acathiste dans le contexte liturgique de l'Office byzantin, le chant de l'hymne a été encadré du Répons II est vraiment digne, en remplacement de la dédicace de Constantinople à Marie, et d'une antique prière à Marie (IVème siècle) connue surtout dans sa forme latine ultérieure (Sub tuum praesidium).

Le choix d'inclure entre les différentes stances une prière de la tradition latine répond au désir déjà exprimé plus haut de restituer l'Acathiste dans un cadre plus large que la seule tradition byzantine. Dès le IXème siècle, en effet, fut réalisée à Venise une traduction latine de l'hymne par l'évêque Christophorus ler, pour une célébration annuelle à l'image de celle connue à la même époque en Orient. Vers 1050 à Paris, une Salutatio Sanctae Mariae reprenait en neuf strophes des éléments de l'Acathiste. Tout au long du Moyen-Age, I'hymne grecque inspira ainsi la composition de pièces paraliturgiques, comme la série des 150 antiennes strophiques du Psautier Marial ou le Rosarium (Rosaire) et sa coutume de méditer la salutation de l'ange à Marie en lien avec l'histoire du Salut au moyen de clausules. C'est avec cette dernière forme de la prière mariale latine que nous avons choisi d'entrer en dialogue avec l'ample louange d'Orient.

 

Jean-Claude REICHERT

 


 

L'HYMNE ACATHISTE, POUR NOTRE PRIERE

 

La première réaction de Pierre, en présence du Christ transfiguré, est de dire: "Kalon estin": "il est beau, -il est merveilleux-, que nous soyons ici". En présence du beau, du bien, du vrai, I'âme réagit par l'émerveillement. En présence du messager divin, pour Marie une seule attitude: "Réjouis-toi". Une connivence préexiste entre l'âme et le bien et cette connivence s'exprime par le chant qui s'élève de l'âme. Ne pas chanter, lorsque Dieu s'approche de quelque manière, serait inconvenant; la seule chose convenable est le chant: "il est juste et bon de te rendre gloire, de t'offrir notre action de grâce, toujours et en tout lieu"... Là où Dieu s'est manifesté, il n'y a pas d'abord le discours, il y a d'abord le jaillissement. Avant de comprendre la merveille, -la comprendrons-nous jamais ?- il s'agit de la "prendre", mieux: de se laisser prendre par elle. L'expérience biblique est bien celle-là: lorsque Dieu crée, lorsqu'il délivre, qu'il guérit, qu'il révèle, qu'il éclaire..., l'homme juste et bon répond par le chant. La Bible raconte et chante. Tel est le langage de la foi; il n'est pas analyse et discussion, il est hymne Avant la théologie intervient la doxologie, dire la gloire de Dieu. Dans les passages centraux de ses épîtres, Paul n'énonce pas, il jubile: "Béni soit le Père de notre Seigneur Jésus-Christ".

L'hymne acathiste est contemporaine d'un renouveau de la foi et favorise ce renouveau. Ceci de la manière suivante: de très belles louanges, célébrant l'uvre de Dieu en Marie existent déjà; elles sont dues à Romanos le Mélode (*env. 490, + env. 560), le prince des mélodes, "le plus grand poète religieux de tous les temps". Ces louanges sont pourtant éparses, sous forme de poèmes plus ou moins longs. Un événement important se produisit lorsqu'elles furent assemblées en "canon, sorte de structure régulière, riche, élaborée, pourvue d'un souffle ample, édifice d'une vaste portée. Cela n'a eu lieu qu'au VlIlème siècle. En général on attribue à saint André de Crète l'invention du Canon. Sans douter ni hésiter, Eustratiadès affirme que le Damascène a eu ce mérite (Joseph LEDIT).

En tout état de cause, et quels que soient les auteurs, quelque chose va changer dans l'Église, le Cardinal PITRA (Jean-Baptiste PITRA, 1812-1889) le remarque avec justesse: "A partir du moment où l'hymnographie grecque acheva de se coordonner, les grandes hérésies grecques disparurent ou cessèrent d'êtres populaires". il ajoute: Pour relever les ruines du Sanctuaire Dieu inspira la pensée d'embellir l'Église par un vaste ensemble de cantiques nouveaux, protection savante et populaire contre toutes les hérésies qui avaient amené l'Église d'Orient à son humiliante décadence . Et, faisant parler les défenseurs de l'orthodoxie du VlIlème siècle, il écrit: "La foi du peuple chancelle. Fixons cette foi par les hymnes de la prière publique. Mais écartons les mètres vagues et élastiques, la poésie ambiguë et mobile. Adoptons des termes si rigoureux et si précis que tout le monde puisse en être gardien; que le chant, le mode, les lettres initiales captivent la mémoire"...

C'est ainsi que naquit, parmi 122 canons connus, I'Hymne Acathiste, issue de l'émerveillement, -car la foi est d'abord cela-, servant ensuite à porter cette foi et à en assurer la rectitude.

L'Hymne Acathiste se développe autour de la venue de Jésus; le Fils de Dieu est devenu ce que nous sommes, afin que nous puissions devenir ce qu'il est, fils et filles de Dieu notre Père. Dans les oppositions de mots et d'images, dans les contrastes et les similitudes que la traduction nouvelle met en évidence, notre foi trouve les mots, les images vigoureuses, la joie, voire l'humour non seulement pour se dire, mais encore pour résister à l'oubli et à l'égarement. Dans l'antiquité, les quatre grands conciles avaient énoncé la foi chrétienne et l'avaient délimitée; mais les hymnographes l'ont ancrée dans la mémoire et le coeur du peuple. En notre temps, les enseignements inaliénables des conciles modernes sont disponibles. Nous y avons adhéré dans l'enthousiasme. Mais comment entreront-ils dans le coeur des peuples ? Par des formules apprises et récitées ? ou pas du tout ? Ne pouvons-nous renouer avec les maîtres et les poètes, de telle sorte que la Vérité soit aussi Beauté, que la foi soit aussi joie ?

René WOLFRAM

 

Merci à Emmanuel LOURDELET